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8 février 2009 7 08 /02 /février /2009 20:33
Nous cherchons encore la différence



La définition du mot abbaye que l'on trouve dans tous les dictionnaires d'aujourd'hui est souvent sensiblement la même que donnait déjà Voltaire dans son /Dictionnaire philosophique/ : "C'est une communauté religieuse gouvernée par un abbé ou une abbesse".
Cette définition est trop concise, trop imparfaite pour que nous nous en satisfassions. Des éléments de réponse se trouvent déjà dans le paragraphe précédent.
Nous allons maintenant développer ce point. S'il est vrai que les premiers établissements cénobitiques et les premiers monastères d'Orient possèdent déjà les caractéristiques essentielles d'une abbaye, celles-ci sont déjà plus importantes que celles énoncées par la définition précitée, comportant trois traits essentiels, qui sont : la soumission des moines à un abbé, l'observance d'une règle et une architecture spécifique, évoluant avec le temps : Nous détaillerons ceci un peu plus loin.
Cependant, il faudra attendre la naissance de l'/abbatia/ pour que l'entité désignée sous ce nom commence à répondre à une définition plus précise, devenant alors juridiquement autonome, indépendance que ne possède pas en Occident le simple monastère : nous avons vu cela plus haut.
Ainsi, un ensemble monastique devra présenter certains critères pour être élevé au rang d'abbaye, ceux-ci variant selon les époques et les familles monastiques.
En voici les principaux :
- soumission parfaite des moines à l'autorité absolue de l'abbé. - soumission d'une vie en clôture, plus ou moins complète.
- Observance régulière d'une règle monastique. - Capacités morale et matérielle, nécessaires pour tenir le rang de monastère principal, de diriger des dépendances (prieurés, celles).
- Organisation adaptée à la vie conventuelle : Les bâtiments de l'abbaye devront comporter (selon ses capacités et ses besoins) tout le nécessaire à cette organisation : église, cloître, réfectoire, cuisine, cellier, infirmerie, bains, scriptorium, etc., l'abbaye modèle étant établie par le plan dit de Saint-Gall
.

Cependant, tous les critères énoncés ci-dessus ne suffisent pas à cerner complètement la notion "stricto sensu" de l'abbaye. Si cela était le cas, la plupart des monastères orthodoxes répondraient à la définition : on y trouve aussi une règle :ce peut-être celles dites de Saint Basile, de Cassien ou de Pachôme.
Les moines connaissent la clôture, celle d'un monastère très ressemblant, pour l'essentiel, à celui qui abrite les moines occidentaux. Pourtant, toutes sortes de détails vont, au fur et à mesure de l'histoire du christianisme oriental et occidental, différencier nettement les deux monachismes.
En conséquence, bien avant même que le mot abbaye n'apparaisse, le monastère chrétien représentera en Occident un objet bien différent de celui représenté par le monastère orthodoxe : "Par principe, les monastères chrétiens possèdent les mêmes caractéristiques, puisque la communauté de moines chrétiens professe les mêmes idéaux. Le plan du monastère de Saint- Gall en Suisse (IXe siècle) contient des éléments fonctionnels qui, généralement, ne sont pas différents dans les autres communautés chrétiennes.
Sur cette base générale, les monastères chrétiens orthodoxes ont leur propre spécificité.
Le mot « orthodoxe » ne suffit pas pour la définir - il est employé depuis l'époque paléochrétienne pour exprimer la mission des moines qui consiste à maintenir la pureté de la croyance authentique, et notamment, en s'opposant aux hérésies qui la menacent.
En général, le premier monachisme anachorète (érémitique) du IIIe et IVe siècle en Égypte, en Palestine, en Syrie et, plus tard, en Europe a partout des traits caractéristiques communs.
Les divergences entre l'Église Occidentale et l'Église Orientale commencent par la création du monachisme cénobitique et la nécessité de réglementer certaines normes disciplinaires dans la communauté. Il est important de souligner que l'Orient orthodoxe est l'héritier direct de la culture monastique cénobitique du temps paléochrétien.
Le schisme définitif entre l'Église romaine et l'Église byzantine (1054) ne fait qu'institutionnaliser les divergences dans les dogmes et dans les rites, après quoi les deux églises se développent tout à fait indépendamment l'une de l'autre.

La notion d'Église orthodoxe peut être étudiée sous trois aspects :

*géographique *- qui met l'accent sur les églises situées dans la partie orientale de l'Europe, le Proche et le Moyen-Orient (bien que des groupes orthodoxes soient présents aussi dans d'autres parties du monde) ;

*de culte *- qui est conforme au culte paléochrétien et satisfait aux décisions prises par les sept conciles oecuméniques chrétiens et approuvées par l'orthodoxie (IVe- VIIIe siècle) ;

*ethnique* - qui exprime le lien spécifique de l'Église orthodoxe avec la vie quotidienne et la culture des peuples concernés.

L'orthodoxie préserve l'autonomie des cultures locales, favorise les particularités ethniques et l'office divin en langue indigène, etc., tout en respectant les traits caractéristiques de la communauté orthodoxe. L'organisation (spatiale et sociale) des ensembles monastiques orthodoxes est l'expression de ce dernier trait caractéristique de l'orthodoxie.
Par comparaison avec l'Église d'Occident, on constate que le mode de vie monastique est beaucoup plus individualisé. Tout moine accomplit seul des actes et des rites déterminés, mais il doit rejoindre la communauté au centre de l'ensemble monastique pour en effectuer d'autres. Ceci fait naître un mouvement centrifuge et centripète dans l'ensemble monastique, lequel a formé le modèle spatial centré le plus répandu des monastères orthodoxes.

 extrait de: http://www.icomos.org/studies/balkan.htm

De nos jours, en Occident, les conditions pour élever un monastère au rang d'abbaye ou de prieuré sont déterminées par les Constitutions de chaque Ordre ou Congrégation monastique.
Par exemple, dans l'Ordre Cistercien de la Stricte Observance (OCSO), une "fondation" demeure, au début, "partie de la maison fondatrice". Elle devient ensuite "prieuré" lorsqu'elle a le nombre suffisant de moines ou de moniales et un espoir fondé de recrutement et d'autonomie financière (on distingue des prieurés simples et des prieurés majeurs, selon les degrés de cette autonomie).
Enfin, lorsque la communauté a le nombre suffisant de moines ou de moniales et l'autonomie suffisante en ressources et en personnel, elle devient une abbaye pleinement autonome du point de vue juridique. Précisons aussi que, parfois, l'appellation d'abbaye est donnée à la communauté ainsi formée ou à l'ensemble des biens et des droits appartenant à cette communauté.

Pour conclure, nous dirons qu'en dehors du cadre strictement canonique, le concept d'abbaye est depuis longtemps très lâche, très fourre-tout : La plupart des livres sur le sujet y rangent bon nombre de monastères, dont les Chartreuses, sous la direction d'un prieur, et non d'un d'abbé ou les Collégiales, tenues par des chanoines, qui ne connaissent qu'une semi-clôture : ce qui est contradictoire avec la définition classique dont nous avons parlé.
Nous les inclurons parfois dans cette étude parce qu'au fond, ce n'est pas sans raisons que toutes ces maisons sont appelées abbayes.
Au cours du temps, en effet, ce mot a finalement désigné, en Occident, tout ensemble autonome abritant en son sein une communauté chrétienne de moines voués à la contemplation de Dieu. Cependant, il nous a semblé bon, avant d'admettre l'évolution du concept, de cerner le mieux possible l'origine et le sens réels du mot, ce qui, à notre connaissance, n'est fait que superficiellement dans les ouvrages sur la question.

Merci à Patrick pour les explications


ouf si vous avez pu tout lire (moi non)

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commentaires

C
Voilà qui est bien intéressant!!
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